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Édito RPAE n°2 | La sécurité alimentaire et les défis agricoles en temps de crise : regards croisés Afrique-Europe

L’année 2020 a été marquée par la pandémie liée à la Covid-19, qui a plongé le monde entier dans une situation de crise. Celle-ci a eu un impact considérable sur les systèmes alimentaires mondiaux, et a particulièrement eu des conséquences négatives sur la sécurité alimentaire des populations africaines. Cette crise sanitaire a mis à nu les faiblesses du système agricole et alimentaire mondialisé, notamment la dépendance des pays à l’importation vis-à-vis de l’Europe. Ce nouveau numéro consacré à « La sécurité alimentaire et les défis agricoles en temps de crise : regards croisés Afrique-Europe » propose de lever le voile sur les effets de la fermeture des frontières et l’isolement de beaucoup de pays africains qui ont eu pour effet de bloquer le transport des produits agricoles africains entre eux, mais également les échanges vers les pays européens. Cela a aussi permis de mettre en lumière les insuffisances de production de denrées alimentaires pour soutenir la consommation locale dans certains pays qui avaient plutôt misé sur un développement de leurs économies par l’exploitation de leurs ressources fossiles, minières ou forestières pour l’exportation. Par conséquent, l’urgence sanitaire engendrée par la pandémie doit aussi être traitée simultanément que l’insécurité alimentaire qu’elle aggrave.


En Afrique, la sécurité alimentaire est confrontée aux contraintes de l’appauvrissement des sols et la dégradation des terroirs de culture causée par le manque de maîtrise des techniques culturales, de la faiblesse des infrastructures de stockage et de conservation des produits post-récoltes, l’inexistence de dispositif d’information sur les circuits de commercialisation des marchés des produits agricoles et des denrées alimentaires, des difficultés d’accès aux crédits et équipements des exploitations familiales et de l’insécurité sur les parcours et les pistes rurales qui sont également des défis à relever pour le développement agricole en Afrique. Ainsi la coopération internationale permet le transfert et le déploiement de technologies, d’appuis financiers pour des interventions agrico-techniques indispensables Les biotechnologies vertes apportent une réponse en termes d’augmentation de la productivité agricole durable. Pour garantir la sécurité alimentaire pendant la pandémie de la Covid-19 et au-delà, les États devraient promouvoir le modèle agroécologique. Au Cameroun, par exemple, l’augmentation et de la conservation de la biodiversité est favorisée par l’intégration de biotechnologies
modernes. Mais l’utilisation de la biotechnologie peut aussi susciter un frein dans la survie de la biodiversité et au développement des communautés locales.

En ce qui concerne l’exportation des produits agricoles africains notamment vers l’Europe, les pays de l’Afrique centrale doivent se soumettre à des exigences normatives à l’entrée du marché européen comme gage de compétitivité dans la performance commerciale des pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC). Par ailleurs, dans l’accord de partenariat de Cotonou entre l’Union européenne et les pays d’Afrique a été établi un cadre d’échange renforcé au niveau agricole qui exige une certaine qualité aux produits africains au regard des normes européennes sous peine de rejet de la marchandise aux frontières européennes. Soulignons que l’agriculteur africain est le premier maillon de la chaîne agricole car il est le moteur de l’activité agricole. Mais, celui-ci est marginalisé car il ne reçoit pas une véritable protection sociale en Afrique en termes d’aide financière et d’accès aux soins de santé contrairement à son homologue européen. Cette raréfaction des ressources humaines et foncières est une problématique importante dans le secteur agricole, à laquelle s’ajoute l’accaparement des terres en Afrique.

La coopération internationale en matière d’agriculture est appréciée en Afrique subsaharienne à travers les projets fiancés depuis 1998 par l’Agence Française de Développement (AFD). Cette aide est souvent perçue comme peu efficace et contribuerait à maintenir la dépendance des pays africains envers l’Europe. Pour pallier à cela, des politiques d’innovations ont été entreprises dans l’agriculture notamment au Cameroun où le Ministère de la Recherche Scientifique et de l’Innovation (MINRESI) a introduit l’approche « champ-école-paysan » afin d’assurer la maîtrise par le paysan des technologies de production inédites et inoffensives pour l’environnement, et en promouvant l’agriculture de rente, l’agro-industrie ainsi que l’auto-suffisance alimentaire. En outre, l’agro-géopolitique euro-africaine a été mise à l’honneur dans le cadre de l’évènement « One Planet Summet » de janvier 2021, en mettent en évidence l’importance de l’agriculture africaine pour l’Europe ainsi que des défis que cette agriculture doit relever. En marge de cet événement, l’initiative « IAM Africa » a été créée dans la perspective de renforcer l’agroécologie.

La crise de la Covid-19 a amplifié les défis en Afrique au niveau de la résilience alimentaire notamment en mettant en avant la dépendance des populations africaines vis-à-vis des importations. En effet, les pays d’Afrique subsaharienne ont une économie basée sur l’agriculture. Celle-ci présentée comme la plus vulnérable au monde du fait qu’elle dépende des importations vers l’Occident. De plus, les agriculteurs ont une faible capacité d’adaptation et les investissements agricoles sont également d’un niveau faible. D’ici 2030, le continent africain ne sera pas en mesure d’éliminer la faim car l’insécurité alimentaire a augmenté les dernières décennies. Les chaînes d’approvisionnement ont été fragilisées par la pandémie de la Covid-19 et d’autres facteurs d’ordre économique, politique et environnemental sont venues aggraver le niveau d’insécurité alimentaire. Du point de vue de l’impact des mesures de gestion de la crise sanitaire sur les chaînes d’approvisionnement, les pouvoirs publics camerounais ont mis en place des politiques publiques afin de garantir à leur population un droit à une alimentation saine, malgré l’état de la sécurité alimentaire qui a été détérioré dans le pays suite à la pandémie de la Covid-19. De plus, les différentes répercussions que la crise sanitaire a eu sur l’activité agricole en Afrique en général et au Cameroun en particulier permet de tirer des leçons. Enfin, l’insécurité alimentaire est instrumentalisée dans l’Extrême-Nord du Cameroun par la lutte contre le terrorisme de Boko-Haram qui prend les populations en otage et installe une vulnérabilité alimentaire. Ce numéro, dans sa partie Varia, met également en perspective la théorie tridimensionnelle qui est chère au domaine juridique en ce qu’elle suscite des pistes de nouvelles réflexions sur la nature du droit, dans un contexte doctrinal ancré dans l’interdisciplinarité pour situer le droit par rapport à certaines positions consacrées dans le domaine des sciences dures.

Nous vous souhaitons une lecture riche d’enseignements et qui permet de poser un débat !

In Revue Pluridisciplinaire Africaine de l’Environnement, La sécurité alimentaire et les défis agricoles en temps de crise : regards croisés Afrique-Europe, n°2, Mai 2021, pp. 5-6.

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Chancia IVALA
Juriste en droit de l’environnement
Présidente Jeunesse Africaine pour l’Environnement

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