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Pour une délivrance de services d’assainissement urbain durable au Mali

Le Collectif des Groupements Intervenant dans l’Assainissement au Mali (COGIAM) dans le cadre de ses activités de plaidoyer, met en place la présente note de positionnement en vue d’apporter sa contribution dans la mise en œuvre de la Politique Nationale de l’Assainissement du Mali (PNA) adoptée en 2009. Les questions d’assainissement constituent des problèmes qui entravent le développement économique et social dans les villes du Mali. Les facteurs favorisant la persistance de la problématique de la dégradation du cadre de vie des populations des centres urbains du Mali sont entre autres :

– L’urbanisation croissante difficilement maitrisable par les décideurs politiques ;
– L’insuffisance d’infrastructures d’assainissement : pas de décharge finale (Le district de Bamako N’en dispose pas, depuis plus de 50 ans d’indépendance), la ville de Bamako avec plus de deux millions d’habitants, 6 communes, plus de 70 quartiers ne dispose que de 2 dépôts de transit digne de ce nom : le dépôt CFP près du stade Modibo KEITA et le dépôt Diésel à Darsalam ;
– L’insuffisance des équipements et de matériels de pré-collecte et collecte des déchets pour les GIE et la DSUVA ;
– La saturation des « dépôts de transit » d’ordures et multiplication des dépôts sauvages ;
– La pollutions et nuisances : infiltration de lixiviat, fumées toxiques, prolifération des insectes et rongeurs vecteurs de maladies ;
– L’obstruction des caniveaux et collecteurs entrainant des inondations terribles sont autant de maux qui dégradent l’environnement urbain de notre capitale.

La présente note s’appuie sur l’analyse de la Politique Nationale d’Assainissement adoptée en 2009 par le Gouvernement Malien. Des stratégies ont été élaborées et mises en œuvre pour assurer la réalisation de cette politique. Cette analyse permettra de mieux cerner les questions institutionnelles et opérationnelles du secteur en vue de faire des propositions de solutions.

I. Bref aperçu de la Politique Nationale d’Assainissement du Mali (PNA)

La Politique Nationale d’Assainissement (PNA) du Mali, adoptée en 2009, traite de l’assainissement dans sa globalité et s’accompagne de 5 stratégies sous-sectorielles relatives à :
– La gestion des déchets liquides ;
– La gestion des eaux pluviales ;
– La gestion des déchets solides ;
– La gestion des déchets spéciaux ;
– Le transfert des compétences en assainissement.

Ces documents définissent une série de principes directeurs, parmi lesquels on peut citer notamment :
– Confier chaque fonction au niveau de décision le plus approprié (principe de subsidiarité) ;
– Rendre les collectivités territoriales décisionnaires (principe de décentralisation) ;
– Dégager l’État des fonctions opérationnelles ;
– Favoriser les partenariats public-privé ;
– S’appuyer sur les services déconcentrés de l’État (déconcentration des services) ;
– Renforcer la coordination sectorielle ;
– Responsabiliser les usagers (principe du pollueur-payeur).

La PNA fixe un certain nombre d’objectifs à l’horizon 2025, notamment l’adoption de plans stratégiques d’assainissement (PSA) par les communes, et l’amélioration de la couverture de la collecte de déchets.

II. Déficits constatés dans la mise en œuvre de la Politique Nationale d’Assainissement

Plusieurs domaines de la Politique Nationale d’Assainissement (PNA) de 2009 ont connu de grandes insuffisances dans leur mise en œuvre, tels que la gouvernance du sous-secteur, la gestion des eaux usées et des excréta entre autres, ce qui justifie la note de positionnement du collectif afin d’apporter une réflexion dans la gestion des questions d’assainissement aussi bien au niveau national que local.

L’atteinte des objectifs du développement durable (ODD) concernant notamment l’assainissement (cible 6.2) prévoit 100% d’accès à un assainissement géré en toute sécurité, avec un équipement de lavage des mains au savon à l’horizon 2030 ainsi que la prise en compte de l’ensemble de la chaine de l’assainissement (cible 6.3) sont dans ces conditions loin d’être atteints au Mali. Il est opportun de rappeler que le Mali n’a pas atteint les OMD alors que les ODD, encore plus ambitieux, seraient plus lourd à porter par l’État seul sans les autres acteurs.

Il est opportun de rappeler que le Mali n’a pas atteint les OMD, alors des ODD, encore plus ambitieux, seraient plus lourds à supporter par l’État seul sans les autres acteurs. Les déficits qui perdurent dans le secteur de l’assainissement et les résultats obtenus qui sont très en deçà de ceux attendus rendent encore plus ardue la réalisation des ODD.

De manière précise les principaux déficits sont :

– Une faible mobilisation des ressources intérieures et extérieures en termes de financement de l’assainissement, ce déficit s’explique par l’absence de cadrage budgétaire précis ;
– Un taux d’accès à un assainissement liquide adéquat qui reste très faible que ce soit en milieu rural ou en milieu urbain. Par exemple, l’assainissement liquide non collectif, c’est-à-dire l’équipement en latrines ou fosses septiques, est souvent en dessous des normes fixées par l’OMS, et le traitement des boues de vidange laisse à désirer. Ou encore la gestion des boues de vidange demeure un réel problème dans la mesure où celles-ci sont déversées un peu partout dans le milieu naturel sans aucun traitement préalable;
– L’insuffisance d’infrastructures comme les dépôts de transit et les décharges finales contrôlées, l’insuffisance de mécanismes de gestion des déchets solides, le faible niveau de tri, de recyclage et de valorisation, une coordination très souvent insuffisante et même l’existence de conflits entre les différents acteurs de la chaîne de gestion des déchets, sont un ensemble de d’insuffisances qui affectent sérieusement le sous-secteur ;
– La gestion adéquate des déchets spéciaux, à l’exception des déchets biomédicaux des hôpitaux et centres de santé, est quasi inexistante. Elle ne fait l’objet d’aucune organisation et demeure un important sujet de préoccupation du fait des risques sanitaires majeurs que leur rejet dans l’environnement peut causer.

III. Les propositions de solutions en vue d’améliorer la situation de l’assainissement urbain au Mali

Pour une meilleure efficacité dans le respect des principes des deux politiques nationales (PNA et PNE), les missions des services techniques de l’État, la Direction Nationale de l’Assainissement et du Contrôle des Pollutions et des Nuisances (DNACPN) et la Direction Nationale de l4hydraulique (DNH) et leurs services déconcentrés pourraient être recentrées sur le rôle régalien de l’État. Ainsi les agents administratifs pourraient élaborer et suivre la politique nationale de l’assainissement et celle de l’eau. Il s adopteraient aussi des textes législatifs, réglementaires et normatifs, concernant notamment la police environnementale et les procédures administratives de gestion des déchets et d’accès à l’eau potable.

Ils s’aideraient d’un appui-conseil au niveau des collectivités pour l’application des politiques d’eau et d’assainissement (PSA), le transfert de compétences de maîtrise d’ouvrage ainsi que les campagnes IEC.

De plus, les Services Régionaux d’Assainissement doivent être dotés de moyens matériels et humains en vue d’assurer efficacement leur mission technique sur leurs territoires ainsi que l’appui-conseil aux communes en matière de compétence dans l’élaboration des PSA, et de transfert de compétences techniques.

En outre, une faible sensibilisation des citoyens vis-à-vis des questions d’assainissement se manifeste par le déversement des déchets dans les espaces publics. Le renforcement de la sensibilisation des citoyens est donc nécessaire en vue de conduire à un changement de comportement positif envers les ouvrages d’assainissement.

Il est nécessaire de réaliser les décharges finales dans les capitales régionales du Mali pour permettre des solutions efficaces à l’amélioration de la situation de la salubrité dans le pays.

IV. La création de filières alternatives de valorisation des déchets

Pour certains déchets il peut s’avérer opportun d’organiser et de développer des filières permettant le prétraitement, la récupération, le recyclage et le compostage.

Le développement des filières spécifiques de gestion des déchets notamment :
– Le prétraitement ;
– Le recyclage ;
– La récupération ;
– Le compostage ;
– La commercialisation ;
– La transformation industrielle doit être initiée en vue permettre de valoriser certains déchets, tout en répondant à des enjeux socio- économiques (création d’emploi), de santé publique et de prévention au niveau environnemental.

En guise de conclusion pour rendre les capitales régionales du Mali propre nous formulons les recommandations suivantes :
– La création ou l’aménagement des décharges finales pour une meilleure gestion des ordures ménagères ;
– La création ou l’aménagement des dépôts de transit dans les communes ;
– L’application des textes pour le respect des principes de protection de l’environnement ;
– Assurer le curage régulier des collecteurs du District de Bamako ;
– Développer le partenariat public privé dans le secteur de l’assainissement ;
– Promouvoir l’utilisation des poubelles adéquates pour assurer le bon conditionnement des ordures ;
– Le renforcement de la sensibilisation, de l’information et de la communication des populations sur le respect des normes d’hygiène ;
– Le domestique et publique ;
– Le mise en place d’un mécanisme de financement durable de l’assainissement par l’instauration de taxe destinée supporter le secteur ;
– L’implication des autorités politiques en matière de sécurisation foncière dans le cadre de la réalisation des infrastructures comme les dépôts de transit et des décharges finales à travers la délivrance de l’acte d’attribution des espaces et la réalisation d’investissement sur le terrain ;
– La promotion de projet de traitement et de valorisation en matière de gestion des déchets liquides et solides.

Bamadou SIDIBE
Président du Collectif des Groupements Intervenant dans l’Assainissement au Mali (COGIAM)

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